En 2010, la Journée mondiale de la santé sexuelle a été instaurée pour rassembler un public diversifié dans le but de célébrer la santé, le bien-être et les droits sexuels de tout le monde. Puisque cette journée s’est déroulée le 4 septembre 2022 sous le thème Parlons plaisir, nous nous sommes entretenus avec le Canadian Advisory of Women Immigrants à propos de sa nouvelle campagne pour la santé sexuelle et reproductive :

  1. Parlez-nous du Canadian Advisory of Women Immigrants et de sa nouvelle campagne pour la santé sexuelle et reproductive

Le Canadian Advisory of Women Immigrants (CAWI) est une organisation dirigée par des jeunes qui cherche à autonomiser les femmes et les filles immigrantes en lançant des initiatives de plaidoyer partout au Canada. Dans le cadre de notre travail, nous avons créé la campagne pour la santé sexuelle et reproductive (SSR). En réfléchissant à leurs propres expériences en tant qu’immigrant·es et à celles des membres de leur communauté, les membres de notre équipe se sont rendu compte que la SSR était un des sujets dont l’enseignement tenait le moins compte de la culture, de l’accessibilité et des réalités des femmes et des filles immigrantes ainsi que des personnes immigrantes issues de la diversité des genres.

  • Quels sont les objectifs de ce projet?

Ce projet cherche à offrir de l’information objective et fondée sur des données probantes sur la santé sexuelle et reproductive en tenant compte de la culture et en utilisant un langage inclusif. Notre objectif principal est de créer des espaces sécuritaires dans lesquels les femmes et les filles immigrantes ainsi que les personnes immigrantes issues de la diversité des genres se sentent à l’aise de poser des questions et de s’éduquer à propos d’un sujet qui peut être considéré comme tabou dans certaines communautés.

Par exemple, en 2021, nous avons tenu des webinaires dirigés par des femmes immigrantes bien informées sur la SSR. Ces webinaires comprennent une séance en compagnie de Patience Umereweneza des Sexual Assault Services of Saskatchewan (SASS), et une discussion entre spécialistes en compagnie de Jacklyn St. Laurent, Aria Ramdeo et Harini Aiyer. Cette année, avec le soutien du Regina Public Interest Research Group (RPIRG), nous travaillons sur un programme pédagogique fondé sur les résultats de notre projet de recherche dans lequel des femmes immigrantes et des personnes immigrantes issues de la diversité des genres parlent de leurs expériences personnelles du programme actuel de SSR dans les écoles canadiennes et les contextes communautaires.

L’objectif ultime de notre équipe est d’aider à améliorer et adapter le programme actuel aux communautés qui ont historiquement été sous-représentées dans les contextes éducatifs. Nous espérons atteindre cet objectif avec le généreux soutien d’Oxfam Canada dans les six prochains mois.

  1. Quelles sont quelques-unes des lacunes que vous avez identifiées pour les femmes immigrantes en matière de santé sexuelle? Comment les résultats de ce projet combleront-ils ces lacunes?

Une des lacunes mentionnées par plusieurs personnes est le besoin d’éducation à la SSR adaptée à la culture et à diverses communautés d’immigrant·es. De plus, il est également important d’éviter les approches uniformes lorsqu’il s’agit d’éducation et de soins. D’autres lacunes sont l’absence de divers sujets en éducation à la SSR et le manque d’espaces sécuritaires où les communautés d’immigrant·es peuvent en apprendre sur des enjeux qui les intéressent en matière de SSR. Nous espérons utiliser ces résultats pour créer une trousse à outils qui aborde les préoccupations et les obstacles des communautés d’immigrant·es. La trousse à outils transmettra également aux éducateur·trices travaillant auprès de communautés d’immigrant·es des connaissances non oppressives pour s’assurer d’entreprendre ce travail communautaire de façon consciente et non nuisible.

  1. Pourriez-vous nous donner des exemples d’enjeux ou d’obstacles en matière de santé sexuelle uniques aux communautés d’immigrant·es et de nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes que vous avez découverts grâce à votre recherche?

Nous avons découvert qu’il y a un grand besoin d’anonymat entourant des enjeux délicats dans des contextes de SSR et que les participant·es ne veulent pas se sentir jugé·es d’avoir participé à une rencontre ou d’avoir posé des questions. Lors de nos groupes de discussion, nous avons découvert que plusieurs personnes ne se sentent pas à l’aise de poser des questions en classe ou aux membres de leur famille. Nous avons également découvert que la présence de ressources fiables en ligne peut être grandement bénéfique et qu’elle permet aux gens de s’éduquer en consultant des informations fiables et exactes.

Un autre important sujet abordé par nos participant·es est la difficulté d’établir des relations en tant qu’immigrant·e ou nouvel·le arrivant·e. Nous avons abordé différents types d’obstacles auxquels font face les femmes et les filles immigrantes dans le monde, comme des obstacles émotionnels, financiers et linguistiques. L’anglais n’était pas la première langue de certain·es participant·es de notre recherche. Cet obstacle linguistique a compliqué la compréhension des programmes actuels de santé sexuelle, principalement enseignés en anglais. Enfin, l’impossibilité de faire appel aux membres de la famille pour parler de SSR fait en sorte que les participant·es se sentent isolé·es et sans espace ou cercle sécuritaire à qui faire appel.

  1. Qu’est-ce qui doit être fait pour mieux soutenir la santé sexuelle des femmes immigrantes :
  • À l’échelle communautaire?

À l’échelle communautaire, il y a un besoin en matière d’éducation intersectionnelle à la SSR qui évite les approches toutes faites pour les communautés d’immigrant·es. La diversité des communautés d’immigrant·es et des identités de genres (p. ex., membres 2ELGBTQ+) doit être représentée. Ces groupes ne sont pas homogènes, même s’ils viennent du même pays. Chaque personne a des besoins et intérêts précis qui sont souvent ignorés par le système d’éducation traditionnel. Il est crucial que les organisations communautaires diversifient leurs documents pédagogiques pour les adapter aux groupes d’immigrant·es, embauchent un personnel diversifié et formé, et créent des espaces non oppressifs et sécuritaires dans lesquels les immigrant·es peuvent poser des questions et parler de leur vécu sans se sentir jugé·es.

  • À l’échelle nationale/politique?

Il est crucial que les immigrant·es ayant différents vécus, et particulièrement ceux et celles à l’intersection des différentes identités méritant l’équité (personnes vivant avec un handicap, 2ELGBTQ+, etc.) soient au cœur des décisions politiques. Malgré l’importance des professionnel·les du domaine ayant une expérience en tant qu’immigrant·es, les politiques affectent tout le monde. C’est pourquoi les préoccupations et les désirs de changement à l’échelle politique sont mieux entendus lorsqu’un ensemble diversifié de membres est présent et capable d’articuler aisément les changements qu’il souhaite. Au-delà d’avoir simplement « une place à la table » des décideur·euses politiques, il doit également y avoir un processus de consultation exhaustif tout au long de la conception politique.

  1. Le thème de la Journée mondiale de la santé sexuelle 2022 était Parlons plaisir. Comment ce thème est-il lié à votre travail en matière de santé sexuelle auprès des immigrantes?

Le thème est lié à notre travail en matière de santé sexuelle auprès des immigrantes étant donné que notre trousse à outils (en cours de développement) aborde notamment les relations et la culture des fréquentations. Dans cette trousse à outils, nous abordons le consentement et les limites dans les relations en soulignant l’importance de promouvoir le plaisir sexuel tout en respectant les limites et l’espace d’autrui.

Particulièrement pour les femmes et les filles immigrantes ainsi que pour les personnes issues de la diversité des genres, divers obstacles découlent de divers systèmes, normes culturelles et injustices économiques qui affectent l’expression sexuelle. Par conséquent, nous voulons créer une ressource qui peut nous aider à mieux comprendre les écarts et les obstacles qui existent. Dans l’ensemble, un des principaux objectifs de notre trousse à outils est de s’assurer de protéger la vie privée et la confidentialité pour que les gens se sentent à l’aise d’apprendre sur ces sujets et de les enseigner. Notre section sur la stigmatisation et la création d’espaces sécuritaires aborde les différentes manifestations de la discrimination, du racisme et des préjugés et comment nous pouvons aider à dépasser la stigmatisation au travail, au quotidien et dans nos cercles amicaux et familiaux.

Nous espérons également mettre l’accent sur des aspects de l’intégrité corporelle et l’égalité en abordant les manifestations du respect dans les relations et l’importance de se sentir respecté·e par notre partenaire et de se respecter soi-même dans nos relations. Nous voulons que les femmes et les filles immigrantes se sentent en contrôle de leurs décisions à propos de leur corps en leur transmettant des informations et des ressources avant qu’elles prennent toute décision.

  1. Quels sont vos prochains projets? Comment les gens peuvent-ils participer à la campagne?

Nous concevons et planifions présentement des ateliers éducatifs pour les membres de la communauté sur différents sujets liés à la SSR. Nous travaillons également à la création d’une trousse à outils pour les éducateur·trices et les organisations communautaires. Nous espérons recevoir des commentaires sur nos résultats et notre travail de la part d’organisations communautaires qui offrent des services aux immigrant·es et d’immigrant·es ayant une expérience vécue en contexte d’éducation à la SSR. Nous aimerions que des personnes nous donnent leurs commentaires à propos de notre programme si elles sont ouvertes à assister à une rencontre virtuelle pour discuter de notre travail et de la façon de le rendre plus inclusif.

Par la suite, nous espérons tenir deux ateliers dans l’année et distribuer notre trousse à outils aux organisations communautaires qui offrent des services aux immigrant·es au Canada. De plus, nous espérons publier les résultats de notre recherche dans un journal pour nous assurer qu’ils soient diffusés à l’échelle politique. Nous croyons fermement que la création d’un espace inclusif dans les écoles canadiennes est bénéfique pour aider les immigrant·es à se sentir entendu·es et mieux outillé·es pour comprendre leur santé sexuelle et reproductive. Si vous êtes un·e jeune et que vous désirez faire du bénévolat auprès de nous, sachez que vous êtes les bienvenu·es!

Veuillez nous envoyer une brève déclaration d’intérêt ainsi que votre curriculum vitæ à admin@cawicanada.com.

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