Le 3 décembre 2021, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, le Réseau Avenir égalitaire, en partenariat avec l’Institut National pour l’Équité, l’Égalité et l’Inclusion des personnes en situation de handicap, a organisé une table ronde sur les besoins et les obstacles que rencontrent les personnes en situation de handicap lorsqu’il s’agit de satisfaire leurs besoins en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR), tant au niveau mondial qu’au Canada.

Une présentation de Muriel Mac-Seing, membre du conseil d’administration de l’INÉÉI-PSH et chercheuse, a préparé le terrain pour la discussion. Elle a présenté les résultats de son projet sur les droits sexuels et reproductifs des personnes en situation de handicap en Afrique subsaharienne.

Les participants ont entendu les témoignages de personnes vivant avec un handicap, qui ont partagé leur parcours d’accouchement et de parentalité en soulignant les obstacles et les défis uniques auxquels elles ont été confrontées. Nous avons ensuite entendu des experts en SDSR d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels, Les 3Sex* et AlterHéros .

Enfin, il s’agissait de notre premier panel collaboratif en français (avec interprétation en anglais et LSQ), un total de 51 personnes ont assisté à la session. Voici ce que nous avons entendu :

LES DOMAINES NÉCESSITANT UN SOUTIEN CIBLÉ

La santé sexuelle et reproductive ne se limite pas à l’absence de maladies ou de dysfonctionnements, mais se définit plutôt par un « état de bien-être physique, émotionnel et social en relation avec tous les aspects de la sexualité et de la reproduction » (Guttmacher Institute, 2018). Par conséquent, la SDSR incarne les droits de tous les individus à prendre des décisions concernant leur corps et à accéder aux services qui soutiennent ces droits. 

La santé et les droits sexuels et reproductifs sont fondés sur les droits humains de tous les individus à :

● « Faire respecter leur intégrité corporelle, leur vie privée et leur autonomie personnelle ;

● Définir librement leur propre sexualité, y compris leur orientation sexuelle et leur identité et expression de genre ;

● Décidez si et quand vous voulez être sexuellement actif ;

● Choisir leurs partenaires sexuels ;

● Avoir des expériences sexuelles sûres et agréables ;

● Décider si, quand et avec qui se marier ;

● Décider si, quand et par quels moyens avoir un ou des enfants, et combien d’enfants avoir ;

● Avoir accès tout au long de leur vie aux informations, ressources, services et soutien nécessaires pour réaliser tout ce qui précède, sans discrimination, coercition, exploitation et violence » (Guttmacher Institute, 2018).

Cependant, très peu de recherches ont été menées sur les recoupements entre la santé et les droits sexuels et reproductifs et les personnes vivant avec un handicap et, grâce aux efforts de plaidoyer des communautés de personnes en situation de handicap, nous savons qu’en pratique, les droits énumérés ci-dessus ne sont souvent pas respectés. 

PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’ÉTUDE DE MURIEL MAC-SEING

Que peut-on apprendre des résultats d’une étude conjointe sur l’utilisation des services de santé sexuelle et reproductive par les personnes en situation de handicap en Ouganda ?

Cliquez ici pour consulter les principaux points à retenir (en anglais).

IMPORTANTES LACUNES ET PRINCIPAUX DÉFIS

  1. Les angles morts du mouvement SDSR :

Même si la santé et les droits sexuels et reproductifs font l’objet d’une attention croissante au niveau national et international, certaines populations marginalisées, comme les personnes en situation de handicap, sont souvent laissées pour compte.

  • L’invisibilité : De nombreuses recherches sont menées sur les SDSR, mais peu se penchent spécifiquement sur les obstacles auxquels sont confrontées les personnes vivant avec un handicap. Lorsqu’elles sont incluses, elles ne sont souvent mentionnées que brièvement, mais le plus souvent, elles sont complètement absentes des politiques SDSR, de la recherche générale et des initiatives de développement.
  • Discrimination et violence obstétricale : On part souvent du principe que les personnes en situation de handicap ne peuvent ou ne doivent pas devenir parents. Par conséquent, ceux qui choisissent de devenir parents sont confrontés à de nombreuses discriminations dans leur parcours de parentalité. Elles subissent des microagressions, comme des commentaires ou des conseils non sollicités, un personnel médical qui ignore le parent en situation de handicap et ne s’adresse/parle qu’au parent valide, et des violences obstétricales, comme des équipements non adaptés et un personnel non formé pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap qui accouchent, voire dans certain cas, la stérilisation ou la contraception forcée.
  • Isolement et manque de ressources : La solitude est un sentiment courant pendant le post-partum. Cependant, le niveau d’isolement ressenti par les personnes vivant avec un handicap durant cette période est exponentiel. De nombreux facteurs y contribuent, notamment le manque de ressources accessibles et adaptées aux nouveaux parents vivant avec un handicap. L’un des exemples les plus choquants a été donné par l’une des panélistes, Celia, malvoyante et mère d’un jeune enfant, qui a déclaré que le transport adapté n’était pas disponible pour elle et son enfant parce qu’elle n’était pas en fauteuil roulant et que ces services ne sont disponibles que pour la personne vivant avec un handicap et non pour son partenaire ou ses enfants. Cet obstacle a contribué à l’isolement qu’elle a ressenti en tant que nouveau parent.
  • Préjugés et mythes sexuels : On suppose souvent que les personnes vivant avec un handicap n’ont pas de vie sexuelle ou qu’elles sont comme des enfants et qu’il est important de les protéger, ce qui explique souvent le manque de services SDSR (Brodwin, Frederick, 2010, p. 37). Ces mythes populaires ne font que souligner la nécessité pour les personnes handicapées d’avoir accès à une éducation sexuelle appropriée et positive. Consultez le travail de Gwendoline Lüthi de Les 3Sex* pour des informations plus approfondies sur ce sujet.

2. Neurodiversité

Tout comme les personnes vivant avec un handicap, les personnes neurodivergentes sont marginalisées lorsqu’il s’agit de SDSR car il n’existe pratiquement aucune recherche sur les besoins (SSR) des personnes du spectre. De plus, nous savons que les personnes neurodivergentes sont beaucoup plus susceptibles de s’identifier au-delà de la binarité de genre et des normes hétérosexuelles et pourraient réellement bénéficier de ressources adaptées à leurs réalités spécifiques. Ces ressources doivent être créées par et pour les personnes neurodivergentes, à l’instar du projet d’AlterHéros « Love-Moé comme du Monde ! ».    

3. Histoire de la discrimination au sein du mouvement pour la SDSR

Les groupes de défense des droits sexuels et génésiques ont longtemps adopté des philosophies eugéniques et bon nombre des figures de proue du mouvement contraceptif considéraient les contraceptifs et la stérilisation comme un moyen de contrôler la démographie de la classe ouvrière, de certains groupes racialisés ou de groupes inférieurs jugés « inintelligents ». C’est dans cet esprit eugénique que les femmes autochtones et les femmes en situation de handicap ont été stérilisées de force dès le début du 20e siècle, une pratique qui se poursuit aujourd’hui au Canada.

Le travail à accomplir pour faire progresser la SDSR des personnes en situation de handicap nécessite une analyse approfondie des mesures, politiques et pratiques qui existent et auxquelles les communautés handicapées sont confrontées dans leur vie quotidienne. C’est complexe car ce domaine est un angle mort et les structures actuelles maintiennent le racisme, le sexisme et la discrimination fondée sur la capacité physique. L’avancement d’un système plus juste n’est possible que par une consultation significative et le développement de la solidarité avec les groupes concernés. Leurs besoins ne doivent pas être ajoutés en tant qu’accessoire, mais être inclus en tant qu’élément central de toute politique et de tout travail de plaidoyer. Consultez le travail d’Action Canada pour plus d’informations sur les actions et le plaidoyer dans ce domaine !

QU’EST CE QU’ON FAIT MAINTENANT ?

Recommandations

Une consultation significative et continue : Capitaliser sur les connaissances des personnes en situation de handicap (avec tous les types de déficiences) en tant qu’experts, notamment dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des initiatives inclusives. Il est crucial d’établir des relations significatives et de consulter les groupes marginalisés lorsqu’il s’agit de faire ce travail.

  • Environnements et ressources adaptés : Investir dans des environnements adaptés aux personnes en situation de handicap, comme des salles d’accouchement, des tables gynécologiques réglables, etc. et adapter les programmes de soutien actuels pour inclure tous les domaines de handicap, et pas seulement physique.
  • Éducation sexuelle complète : Veiller à ce que les personnes vivant avec un handicap soient incluses et représentées dans le programme d’éducation sexuelle et que leur inclusion leur fournisse des informations précises et positives sur leur corps et leur sexualité.
  • Intersectionnalité : Aborder concrètement les vulnérabilités intersectionnelles des personnes en situation de handicap, avec des plans d’action budgétisés et des ressources humaines et techniques dédiées.
  • La recherche : Les données doivent être collectées, analysées et rapportées de manière plus systématique et faire l’objet d’un suivi afin que ce travail soit responsable et transparent.

Ressources :

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